Infrastructures sportives : des enjeux à tous les niveaux
À l’heure où la fabrique de la ville se réinvente, comment, en tant que promoteur immobilier, aborder la conception et la construction de nouveaux équipements sportifs ? Entre le vieillissement des infrastructures existantes et l’évolution des pratiques sportives, les besoins sont bien là, tant dans le monde du sport de loisirs que dans celui de la compétition. Et c’est bien là que tout l’enjeu réside : comment optimiser un nouvel équipement pour qu’il réponde à l’ensemble de ces besoins ?
Depuis longtemps, chez youse, nous nous intéressons à la question des infrastructures sportives, notamment dans l’environnement urbain. L’opération de la All In Tennis Academy, dont le chantier a débuté récemment, nous donne l’occasion de vous partager nos réflexions et retours d’expériences.
Sport de compétition – sport de loisirs : deux mondes distincts ?
Le sport de compétition : une économie majeure, un rayonnement international
Dans le sport de compétition, il est beaucoup question d’image, voire de puissance, au niveau mondial. On parle même de « géopolitique du sport », expression que nous avons pu entendre dès le début du conflit en Ukraine : exclure la Russie des compétitions mondiales a été une sanction retentissante.
« Le sport de haut niveau est un enjeu capital pour notre pays. L’État souhaite garder cette priorité. (…) L’enjeu, c’est le rayonnement international de la France », affirmait récemment Roxana Maracineanu, Ministre de la Jeunesse et des Sports.
En France, on compte plus de 8 000 sportifs de haut niveau et 15 000 sportifs s’entrainant dans l’une des 845 structures des Projets de Performance Fédéraux (également appelés PFF). Soit autant de chances d’atteindre l’objectif affiché du gouvernement : intégrer le top 5 des nations aux Jeux Olympiques qui se dérouleront à Paris en 2024.
Mais, au-delà de la performance et de son « soft power », le sport de compétition est aussi un spectacle de masse, avec toute l’industrie que cela représente. D’après une estimation de PWC, le chiffre d’affaires du sport spectacle mondial atteignait près de 145 Mds d’€ en 2015.
Le sport de loisirs : une question de santé publique et de cohésion nationale
En 2020, on recensait 65 % de Français de 15 ans et plus qui avaient pratiqué au moins une activité physique et sportive au cours des douze derniers mois : un chiffre qui stagne puisqu’il était déjà de 66% en 2018. Sur cette période de deux ans, la plupart des univers sportifs ont enregistré une baisse de leur nombre de pratiquants. Seuls trois univers semblent échapper à cette logique : la course et la marche, les activités de la forme et de la gymnastique ainsi que les sports urbains.
Toutes ces disciplines ont comme point commun d’être des pratiques libres : elles ne nécessitent pas d’infrastructures particulières et se pratiquent souvent seul (mais connectés !). Cela s’explique par un besoin croissant de flexibilité : pouvoir faire du sport quand on veut ou simplement quand on en a l’opportunité. Pas d’horaires fixes, pas d’entraineur à écouter, ni de licence à acquérir : ce sont des sports que l’on pratique en toute liberté. Or les infrastructures telles que les gymnases ou les salles municipales sont souvent réservées aux clubs et associations, ce qui demande aux pratiquants un engagement sur le long terme.
L’utilisation des équipements sportifs publics reste très largement liée à l’organisation de compétitions. Une large partie de la population, qui souhaite pratiquer un sport-santé ou loisirs, ne s’y retrouve donc pas. Si une offre privée s’est largement développée pour répondre à ces besoins, l’État a récemment annoncé vouloir réorienter ses efforts vers le sport de loisirs.
Il faut dire qu’il s’agit d’un véritable défi de santé publique. Dans une étude publiée en 2019, l’Organisation Mondiale de la Santé classait la France 119e pays mondial au niveau de l’activité physique des plus jeunes. La sédentarité a été qualifiée de véritable « bombe à retardement sanitaire » dans le rapport de deux députés, diffusé en 2021.
Faire de la France une vraie nation sportive, tel est l’objectif annoncé dans le cadre de la stratégie nationale sport santé 2019-2024. Dans l’impulsion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024, l’ambition est d’ancrer le sport dans la société française notamment pour améliorer l’état de santé de la population.
Faire de la dualité compétition/loisirs une complémentarité
L’ère de la chronotopie
Dans l’immobilier, la frugalité est devenue l’un des principaux mots d’ordre. Il s’agit d’optimiser l’acte de construire, déjà dans la « consommation » de foncier aussi bien dans les métropoles que sur l’ensemble des territoires pour éviter l’artificialisation des sols. Il s’agit également d’optimiser l’usage des bâtiments. C’est là qu’intervient la chronotopie.
La chronotopie, c’est l’art d’utiliser un lieu pour des besoins et des usages différents suivant le moment de la journée ou le jour de la semaine. Par exemple, un espace de coworking pourrait accueillir des étudiants souhaitant réviser dans de bonnes conditions le soir ou le week-end, quand les usagers principaux sont absents et que donc, le lieu est inutilisé. Dans le cadre du sport, la question peut sérieusement se poser.
Prenons l’exemple du stade Rolland Garros qui s’étend sur 12 hectares en pleine métropole parisienne. Mis à part des visites pour les scolaires notamment, le stade n’a longtemps été utilisé que pendant les trois petites semaines du tournoi. Face à cette aberration, la directrice générale de la Fédération française de tennis Amélie Oudéa-Castéra a annoncé en juin dernier vouloir y lancer un plan d’utilisation du stade à l’année, mêlant d’autres compétitions de tennis, mais aussi de la culture et des événements d’entreprise.
Il existe donc déjà une certaine forme de chronotopie dans le sport : l’événementiel. Au-delà du sport-spectacle que peut aussi être le sport de compétition, certaines infrastructures sportives sont utilisées pour d’autres types d’événements : concerts, séminaires et conventions d’entreprise. C’est le cas du Stade de France ou, à Lyon, du Groupama Stadium, pour ne citer qu’eux. Mais il ne s’agit alors que d’une chronotopie ponctuelle, pour des occasions spécifiques. L’idée serait de réussir à aller au-delà et d’optimiser de manière plus pérenne l’utilisation de ces équipements sportifs.
Jusqu’où peut aller la complémentarité entre équipements sportifs de haut niveau et de loisirs ?
Les normes fédératives des compétitions de haut niveau imposent des tailles standard souvent « surdimensionnées » par rapport l’usage régulier. « Bien souvent, les activités ne requièrent ni toute la superficie ni toute la hauteur de ces équipements qui ont été conçus selon les dimensions maximales requises par différents sports.
Ce décalage n’est plus tenable du point de vue tant économique qu’environnemental dans le contexte actuel de contraintes budgétaires et de préoccupations de développement durable. Cette approche (…) a de fait exclu de très nombreux pratiquants potentiels pour lesquels la compétition ne constitue pas une motivation majeure. ». Cet extrait est issu d’un article intitulé Les équipements sportifs : enjeux et impensés d’une politique publique. Il date de 2015 et depuis, la situation n’a que peu changé.
Il faut dire que le sport de haut niveau nécessite des infrastructures de grande qualité. Tout l’enjeu, par exemple, d’une utilisation de Rolland Garros hors tournoi réside dans l’impératif de ne pas abimer la terre battue. Chères à entretenir, ces infrastructures peuvent donc s’avérer difficiles à partager avec le grand public.
Néanmoins, une complémentarité d’usages compétition/loisirs peut aussi permettre au modèle économique d’atteindre l’équilibre. Citons par exemple la piste de bobsleigh à la Plagne. Construite pour les JO d’Albertville en 1992, elle est désormais ouverte aux vacanciers en fin d’après-midi, après les entraînements sportifs. Autre exemple, beaucoup plus récent puisqu’il n’est pas encore livré : le Centre aquatique olympique construit pour Paris 2024 et qui deviendra après les jeux un lieu de rencontre et de pratique du sport accessible à tous.
Le cas de la All In Academy : témoignages
La All In Academy est un centre de formation et d’entrainement de haut niveau consacré au tennis et porté par Jo-Wilfried Tsonga, Thierry Ascione et Patrick Bouchet. Sur le nouveau campus de Lyon, conçu par youse, le projet immobilier comporte un bâtiment « Académie » pour assurer la formation et l’hébergement de 90 jeunes joueurs et joueuses de tennis de haut niveau, et un bâtiment Club réunissant un bar-restaurant, un club-house, un centre de fitness et spa, un espace de séminaires de 200 places. Le campus sportif, implanté au sein d’un parc paysager de 3,5 ha, comprendra quant à lui 8 terrains de tennis couverts, 14 terrains extérieurs dont un court central d’une capacité de 700 places, 4 terrains de padel, une piscine de natation, 110 places de stationnement en sous-sol.
Rencontre avec Patrick Bouchet : la vision de la All In Academy
Si le sport compétition est évidemment la priorité pour la All In Academy, jusqu’à quel point souhaitez-vous inclure une dimension de sport loisir dans le projet ?
Dans notre cas, la cohabitation entre sport de loisir et sport de compétition va plutôt de soi dans le sens où l’occupation des espaces ne se fait pas au même moment : en journée pour le haut niveau et le soir ou le week-end pour le loisir. Et notre lieu d’implantation, l’OL Vallée, s’y prête tout particulièrement. Lyon est, pour cette raison, le seul site que nous ouvrons au sport loisir.
Il y aura bien sûr des moments où les deux clientèles pourront se croiser, mais avec nos vingt et un cours de tennis cela ne posera pas de problème. Nous voyons finalement cette cohabitation comme une véritable opportunité. C’est du gagnant-gagnant : le loisir vient contribuer au modèle économique du projet et bénéficie en contrepartie d’infrastructures et de services habituellement réservés aux élites.
Avec son restaurant, ses salles de séminaires mais aussi les cours de tennis couverts qui peuvent accueillir des manifestations, qu’est-ce que la dimension événementielle apporte au projet ?
Au même titre que le sport loisir, l’événementiel entre dans ce que nous appelons la dimension entertainement du projet. De nombreux autres services s’y greffent : conciergerie, coaching personnalisé… Au-delà du fait de participer pleinement à « l’expérience All In Academy », l’entertainment vient, dans son ensemble, soutenir notre modèle économique et nous donne les moyens de produire un site de grande qualité. Et c’est justement pour sa capacité à intégrer cette dimension servicielle que nous avons choisi youse pour nous accompagner dans la réalisation de la All In Academy de Lyon.
Youse : l’expertise immobilière au service de la mixité des usages et des usagers
Face à ce cahier des charges, quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées pour concevoir le projet ?
Nous avons dû aborder le projet avec une démarche véritablement « user centric » et surtout une méthodologie rigoureuse consistant en premier lieu : à établir tous les profils des principaux futurs usagers, et à scénariser leurs parcours, leurs attentes, leurs expériences respectives au sein de ce futur campus. Ces usagers pouvant être des clients, des exploitants, des partenaires de la All In Academy. Nous avons donc créé différents personae : joueurs de haut niveau en formation, joueurs amateurs du club, restaurateur ou visiteurs du restaurant, clients des espaces de séminaire ou du spa, coachs, soignants, etc. Et nous avons conçu le projet autour de ces personae et de l’idée de leur offrir l’expérience la plus aboutie possible.
Avec un très gros plus : la possibilité à chaque étape de la conception du projet de tester nos propositions d’organisation des flux, de relations fonctionnelles entre les espaces, d’agencement, de design intérieur et d’architecture auprès des porteurs de projet Jo-Wilfired, Thierry et Patrick eux-mêmes véritablement experts de leurs futures installations pour en avoir fréquenté partout ailleurs dans le monde !
Experts de la mixité des usages, quelles synergies avez-vous identifiées entre toutes les dimensions du programme ? Comment les avez-vous renforcées ?
Nous partagions la vision des porteurs du projet suivant laquelle la All In Academy devait être conçue pour être optimale sur le plan des exigences sportives de ses espaces majeurs tels que l’immense halle de tennis couverts, mais également pensée comme un lieu de vie, de service, d’entertainment, à la différence de 95% des équipements sportifs de haut niveau.
Aussi, nous avons beaucoup travaillé sur la qualité des services connexes tels que : l’espace de restauration, sa terrasse, son salon privé, son bar lounge relié au club house ; les espaces de spa fitness et de séminaire, leurs ambiances décoratives soignées, leurs espaces extérieurs privatifs généreux, leurs vues dégagées sur un cœur d’îlot très paysagé ou privilégiées sur le Groupama Stadium.
Nous avons apporté un très grand soin dans la conception aux ambiances, au design, à la fluidité des parcours clients digne d’une approche hôtelière. L’objectif étant que la All In Academy offre comme une expérience globale sportive, de détente, de bien-être unique pour un complexe sportif et que ses usagers puissent y passer des journées entières avec un niveau de confort maximum.